Commerces

Italie | La tabaccheria, ou la réussite du multiservice moderne

Malgré la crise de la Covid-19, en Italie, le confinement a mis le réseau des 53 481 buralistes sous les feux de la rampe. Bien fréquentés des Italiens avec 15 millions de visiteurs par jour, outre la vente de tabac, de jeux et téléphonie, ils offrent une myriade de services très prisés. Chez son tabaccaio, on trouve tout ce qui facilite la vie quotidienne : du règlement des impôts au service postal, en passant par le paiement de factures, l’achat des billets de train, des tickets de transports en commun, des tickets de cantine scolaire, l’enlèvement ou le dépôt d’un colis et même le retrait d’un acte d’état civil (acte de naissance, mariage, etc.). En effet, selon une étude de Format Research, 68,4 % des Italiens apprécient le gain de temps apporté par ces multiservices à la pointe de la technologie. Durant le confinement, l’État a décidé de confier à son réseau de proximité, appelé en Italie « rete dello Stato » (le réseau de l’État), la vente des masques chirurgicaux qui a été un grand succès : déjà 40 millions d’exemplaires vendus à la fin juillet. Toujours selon cette étude, le buraliste est considéré comme fiable et compétent par 8 Italiens sur 10. La tabaccheria (bureau de tabac) est une institution ; on en trouve partout et, surtout, les Italiens disent depuis toujours : « Si tu ne trouves pas ce que tu cherches, va chez ton buraliste. » On fait confiance à Son buraliste, il est plus qu’un commerçant et apporte de l’aide à la communauté.

France et Italie : un système de distribution similaire

À l’instar de la France, l’exclusivité de la vente au détail du tabac est confiée à ces petites entreprises familiales, auxquelles l’État italien octroie, après une formation obligatoire, une licence renouvelable tous les neuf ans. La distribution du tabac est également assurée par Logista. Alors que le nombre de débits n’a baissé que de 3 % sur ces cinq dernières années, le revenu moyen net global d’un buraliste n’excède pas les 1 200 euros par mois. En général, il gère le débit en famille, approche la cinquantaine, est diplômé, marié avec enfants.

Face à l’appauvrissement de la profession, la Federazione Italiana Tabaccai (Fédération italienne des buralistes, à but non lucratif fondée en 1903 par une profession en quête d’autonomie à l’égard de l’Administration publique) redouble d’efforts pour négocier avec ses partenaires et le gouvernement la mise en place de nouveaux services de proximité, utiles aux citoyens comme aux entreprises. Bien qu’elle ne soit pas la seule organisation syndicale au service des buralistes, elle compte 48 000 adhérents et son organisation territoriale est composée de 114 syndicats départementaux et 600 employés. L’autre association syndicale italienne, Asso Tabaccai, compte moins de 2 000 membres. Néanmoins, la densité du réseau des buralistes italiens continue de s’effilocher. Pourtant, avec un débit pour 1 115 habitants, cette profession est un atout pour l’État mais aussi pour les banques et la Poste, dont le maillage territorial, est trois fois moins dense.

E-cig : exclusivité aux buralistes

Si le buraliste italien d’aujourd’hui est un professionnel moderne et polyvalent, il a dû s’adapter aux bouleversements du marché du tabac. Au cours de la dernière décennie (2009-2019), les ventes de tabac en volume ont chuté de 17,6 % et le chiffre d’affaires n’a augmenté que de 3 %, mais garantit néanmoins des recettes fiscales annuelles d’environ 14 milliards d’euros. Selon l’ADM (Administration des douanes et monopoles), les nouveaux produits (cigarette électronique et tabac à chauffer) contribuent fortement à la diminution des ventes de cigarettes. Bien que le marché compte 11,6 millions de fumeurs, soit 22 % de la population, désormais 600 000 Italiens inhalent du tabac chauffé et 900 000 de la cigarette électronique.

Alors que les ventes de cigarettes baissent constamment avec - 4,2 % en 2019, les autres produits revitalisent le marché. Le tabac à rouler et les cigarillos conservent leur dynamique de croissance avec respectivement + 5,7 % et + 5,9 % en volume par rapport à 2018. La progression des cigares en volume de 2,3 % stabilise leur position sur le marché. Les tabacs à chauffer sont les boosters du marché avec une croissance exponentielle de 116 % en un an, en passant d’un peu plus de 1,5 million de kg en 2018 à près de 3,3 millions de kg en 2019. Les ventes ont explosé de 3 877 % en trois ans. Ce boom propulse les tabacs à chauffer à la troisième place du marché derrière les cigarettes traditionnelles et le tabac à rouler. Cette nouvelle dynamique est positive pour les buralistes italiens qui, outre la vente du tabac à chauffer, ont depuis janvier 2014 l’exclusivité de la vente des cigarettes électroniques, assimilées aux tabacs manufacturés. Seules 200 boutiques spécialisées ont encore l’exclusivité. En ce qui concerne la taxation, la cigarette électronique est au même niveau que les cigarettes et le tabac à rouler, avec un droit d’accise de 58,5 % appliqué sur le dispositif, sur les pièces détachées et sur les recharges.

Selon l’étude nationale, Rapporto Italia 2020 d’Eurispes, 3,4 % des consommateurs fument du tabac chauffé et 4,9 % du tabac chauffé et cigarette électronique. Ils ont au moins 45 ans et 66,4 % d’entre eux ont abandonné la cigarette traditionnelle.

Retour à la contrefaçon

Même si un paquet de Marlboro ne dépasse pas les 6 euros, l’Italie connaît aussi le phénomène des ventes transfrontalières avec la Slovénie. Pendant le confinement, la région du Frioul-Vénétie-Julienne a enregistré + 12 % de ventes de cigarettes chez les buralistes. D’autres régions ont enregistré des hausses similaires alors qu’en temps normal, près de 40 % des paquets de contrebande transitent par le Duty Free, où ils sont volés et revendus au marché noir. Selon le rapport KPMG, en 2019, les tabacs illicites représentent 3,9 % de la consommation nationale : avec 2,6 milliards de cigarettes, le marché noir chute de 35 % par rapport à 2018. Une performance due à une application ferme de la loi et une dissuasion efficace des forces de l’ordre italiennes.

Pourtant, la contrefaçon a retrouvé un niveau élevé après plusieurs années de déclin. Dans certains pays européens, comme l’Espagne, les saisies d’usines clandestines explosent. En février dernier, la Guardia di Finanza (Garde des Finances) a démantelé trois usines clandestines de cigarettes contrefaites dans la région de Nola (Naples), dont la capacité de production globale était de 3,5 tonnes de cigarettes par jour pour une valeur de 12 millions d’euros. La Campanie (Naples) est la région qui consomme le plus de cigarettes illicites, plus de 35 % du volume national, surtout des marques blanches. Les buralistes de cette région ont cohabité pendant des décennies avec les vendeurs à la sauvette, souvent installés à l’angle de leur rue, voire à 10 mètres de leur porte. Ce phénomène que l’on croyait disparu, refait surface. La contrefaçon de cigarettes illégales dans le sud de l’Italie est une affaire de famille. La production interne est en forte croissance avec 40 % d’augmentation.

L’essentiel
53 500 buralistes (1 point de vente pour 1 115 habitants)
1903Date de création de l’organisation représentative des buralistes italiens (Federazione Italiana Tabaccai - FIT)
1200€Revenu moyen net mensuel
85,05 %Part de marché des cigarettes parmi les produits du tabac
75 948,6 tonnes de tabac (ventes 2019)
58,5 % de taxe (droit d’accises) appliquée aux dispositifs, pièces détachées et recharges de vapotage

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