Par Nelson Burton, Directeur de la publication.
Chères lectrices, chers lecteurs,
Je prends rarement directement la parole dans la Revue des Tabacs. Mais là, l’occasion était trop belle de pouvoir rigoler (sérieusement) un coup avec vous autour de la réaction de notre ministre de l’Intérieur, suite à la décision en référé du conseil d’État suspendant l’arrêté du gouvernement sur la vente de fleurs de CBD.
.@GDarmanin "regrette" la suspension par le conseil d'Etat de l'interdiction du commerce de fleurs et de feuilles de CBD. "On n'a pas augmenté le prix du tabac à 10 euros pour qu'on accepte la dépénalisation du cannabis"#le79inter pic.twitter.com/axcuUAEOv7
— France Inter (@franceinter) January 25, 2022
Quelle ne fut pas ma surprise en découvrant sa sortie médiatique sur France Inter. En 15 secondes, il réussit le tour de force de mélanger et assimiler drogue, cannabis, CBD et tabac (cigarettes). Allez, hop ! Tous dans le même sac. Aux dernières nouvelles, le tabac reste encore légal en France pour les adultes, et n’est pas considéré comme un stupéfiant. Ensuite, pour le paquet à 10 €, qui est sous-entendu comme une réussite en matière de santé publique dans la bouche du ministre, nous attendons encore d’en voir les résultats en matière de prévalence tabagique. Pour mémoire, selon Santé publique France, la part des fumeurs quotidiens et irréguliers de 18 à 75 ans était de :
• 29 % en 2002
• 31,8 % en 2020
Toujours plus de dogmatisme sur la trajectoire fiscale, oui. De l’efficacité en matière de santé, non. Et ce n’est pas faute d’accumuler les symboles montrant que si la fiscalité a un impact sur les ventes légales et le réseau des buralistes, il n’en est rien en revanche sur la prévalence, contrebande oblige. On ferme les frontières en période de confinement : boom, les ventes légales repartent instantanément. Dans un environnement à nouveau ouvert, on se retrouve avec des records de saisies par les douanes, et même les premiers démantèlements d’usines de cigarettes de contrefaçon en France. Quant au soutien des produits à risques réduits... que nenni !
La méthode française fonctionnant tellement bien sur la prévalence tabagique, il nous fallait donc inventer notre voix bien à nous sur le CBD. Je vous donne la recette : exit la législation européenne, exit la jurisprudence dite « Kanavape », qui permettait pourtant de poser des bases claires des attentes de l’Union européenne. Créons donc une méthode française alambiquée, contraignante et lente à mettre en place. Mettons un maximum de pressions sur les vendeurs potentiels, notamment les buralistes, et saupoudrons tout cela de déclarations pleines de confusions, comme celles du ministre Gérald Darmanin (ou celles d’Olivier Véran, mais je n’ai plus de place ici). C’était sans compter sur le bon droit des acteurs d’une filière naissante mais décidée à se défendre, dont l’action en référé auprès du Conseil d’État aura permis de mettre rapidement en doute la validité du raisonnement juridique du gouvernement français dans son approche du CBD. Une première victoire temporaire, mais déjà une victoire en matière de droit.
Ce même droit qui, à la Revue des tabacs, nous a convaincus de vous encourager à vendre du CBD depuis l’arrêt Kanavape (novembre 2020), dès lors que les règles européennes en matière de produits et de communication étaient respectées, et nous a persuadés que cet axe de diversification pourrait vous ouvrir des perspectives de développement.
Le vent tournant désormais dans notre sens, je suis ravi que certains, précédemment alignés sur la position du gouvernement, aient rejoint notre point de vue depuis quelques jours. Il y a une belle filière à développer en France, en agriculture, en transformation, en distribution. Et les produits, la communication comme les règles de mise sur le marché de cette filière méritent d’être traités avec sérieux et respect. Et ce sera encore plus efficace si nous suivons tous le même cap.
Nelson Burton
Directeur de la publication