Quelle que soit l’orientation politique des gouvernements successifs depuis 2002, l’État français a systématiquement privilégié, concernant le tabac, les interdits et la stigmatisation à une prévention pragmatique. Depuis plus de 20 ans, les consommateurs ont subi les hausses massives de taxes et donc de prix, le paquet neutre et nombre d’inter-dits. En parallèle, la France n’a fait que lancer des campagnes de sensibilisation aux patchs qui ne fonctionnent pas, ainsi qu’aux médicaments aux effets secondaires bien connus, au lieu de favoriser les produits à risques réduits aux résultats éprouvés.
UNE INTERDICTION DE VENTE AUX MINEURS DIFFICILES À APPLIQUER
Le réseau des buralistes ainsi que les fabricants de tabac sont les premiers à souhaiter l’interdiction de vente aux mineurs. Mais la réalité doit être prise en compte. Même si les buralistes sont les préposés de l’État et ont de ce fait un rôle officiel, il est parfois difficile de déterminer l’âge de certains jeunes gens, d’autant qu’ils peuvent trouver désobligeant de sortir leur pièce d’identité. Le Comité national contre le tabagisme (CNCT) vient une nouvelle fois de remettre la pression en affirmant que 64 % des buralistes ne respectent pas l’interdiction de vente aux mineurs (voir page 8).
Mais l’étude mise en avant utilise un biais qui pose question : le testing réalisé dans 400 débits de tabac utilisait des jeunes gens de 17 ans. Si le CNCT voulait vraiment savoir si l’interdit est respecté, il aurait dû prendre un panel plus représentatif, incluant des enfants et des adolescents. Telle que réalisée, l’étude ressemble à un piège tendu aux buralistes. Il faut avoir été devant un comptoir pour comprendre qu’il est difficile de demander une preuve de majorité, avec par-fois des comportements violents suite à cette sollicitation d’identité.
Déjà, les menaces de sanctions de l’État planent, comme ce sous-préfet du Pas-de-Calais qui va sensibiliser les points de vente de l’arrondissement qu’il supervise, avant de punir les infractions. Une attitude belliqueuse confortée par une décision de février 2022 de la Cour de justice de l’Union européenne qui confirme qu’un État peut appliquer une sanction administrative comme une fermeture temporaire à un buraliste qui ne respecte pas l’interdiction de vente aux mineurs.
À QUAND UNE INTERDICTION DE VENTE DU TABAC SUR PLUSIEURS GÉNÉRATIONS ?
Le CNCT pilonne publiquement le réseau des buralistes et juridiquement les fabricants de tabac, tandis que l’Alliance contre le tabac évoque avec insistance la possibilité d’un paquet de 20 cigarettes à 45 € (en novembre 2021 et décembre 2020) et surtout une inter-diction de vente du tabac aux jeunes nés après 2012. Ainsi, à compter de 2030, même une fois majeurs, les jeunes n’auront plus le droit d’acheter du tabac. Une idée qui paraît tellement farfelue et totalitaire qu’il faut se méfier d’une éventuelle application en France.
À nos portes, le gouvernement irlandais réfléchit à ce principe, dont il a trouvé l’origine en Nouvelle-Zélande (voir page 60). Dans ce pays et à compter de 2027, pour avoir le droit d’acheter du tabac, il faudra ajouter un an chaque année au-delà de 18 ans. Donc, dans cinq ans, les Néo-Zélandais devront avoir minimum 19 ans pour acquérir légalement du tabac, puis l’année suivante 20 ans et ainsi de suite, afin d’aboutir au bout de quelques décennies à une interdiction totale de vente du tabac à tous, mineurs ou majeurs.
ET LA PRÉVENTION DANS TOUT ÇA ?
L’habituelle Journée mondiale sans tabac du 31 mai approche à grand pas, avec des fabricants et distributeurs de produits de vapotage ou de tabac chauffé, qui souhaitent être associés officiellement au sevrage tabagique, face à un État français toujours réticent. Ainsi, Seita lance sa blu 2.0 aux sels de nicotine dès avril 2022 et Philip Morris France développe, à marche forcée sur 2022, son tabac à chauffer Heets et son dispositif Iqos. Autant de produits à risques réduits qui aident les fumeurs à se sevrer totalement du tabac.