Début novembre 2022. La présidente de Philip Morris France, Jeanne Pollès, a réagi aux importantes hausses de taxes et donc de prix du tabac proposées par le gouvernement dans le cadre du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023. Si ces hausses de taxes sont promulguées, elles seront applicables à partir de mars 2023. Extraits d’une interview publiée dans la Revue des tabacs de novembre 2022.
Que pensez-vous des hausses de fiscalité tabac du PLFSS 2023 dont l’application est prévue pour mars 2023 ?
Jeanne Pollès : On ne s’attendait pas à un tel Projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui porte une forte augmentation des taxes tabac pour l’an prochain. Et ceci car les hausses de fiscalité étaient déjà crantées dans la loi avec une hausse basée sur l’inflation avec application d’un plafond de 1,8 %. Mais parce que le gouvernement cherche de l’argent par tous les moyens afin de combler les déficits, il utilise le prétexte de l’inflation pour augmenter encore davantage les taxes. Ceci est contradictoire avec sa volonté de préserver le pouvoir d’achat des Français à qui il offre des mesures pour limiter l’impact de l’inflation, mesures en quelque sorte annulées via ces hausses de taxes. Effectivement, il est important de rappeler que 11 millions de citoyens Français fument et sont surreprésentés parmi les plus faibles revenus.
Si le texte du PLFSS tel que souhaité par le gouvernement est définitivement adopté (avant le 31 décembre 2022), quel sera l’impact sur les prix du tabac en France ?
Si les nouveaux taux sont adoptés en l’État, l’impact sur les prix ira de +50 à +70 centimes sur un paquet de 20 cigarettes. Et ici nous ne parlons que de l’impact des taxes sur les prix. Effectivement, en tant qu’entreprise nous devons aussi faire face à l’inflation de nos coûts de production et de distribution, et voir comment cela se traduira sur les prix de vente. Donc, si le gouvernement s’obstine dans cette voie, les prix vont augmenter et fortement. Je n’ose imaginer l’impact négatif sur le volume légal, car les consommateurs vont se tourner encore plus vers le marché illicite, l’impact sur la baisse de fréquentation des bureaux de tabac et la baisse des recettes fiscales de l’État. Rappelons que cette année, en 2022, les prix n’ont pas augmenté et le marché légal est en baisse de 6 %. Alors imaginez avec de telles hausses. Nous allons, pas à pas, vers la prohibition du tabac en détruisant une filière légale, sans avoir d’impact sur les fumeurs si ce n’est à les rendre coupables de consommation illégale !
Pourquoi le PLFSS 2023 a-t-il créé une taxe spécifique pour le tabac à chauffer ?
C’est une bonne initiative de créer la catégorie tabac à chauffer. C’est reconnaître que c’est un produit différent de la cigarette et ceci va dans le sens de nombreux pays européens. Là où la démarche est absurde et incohérente, c’est de vouloir aligner la fiscalité de cette catégorie avec celle des cigarettes. À l’encontre d’ailleurs des pays qui ont créé la catégorie afin d’avoir une fiscalité inférieure à la cigarette, reconnaissant que c’est un produit moins nocif donc avec un traitement fiscal différent.
Quelles pourraient être les conséquences pour la catégorie tabac à chauffer ?
Nous avons massivement investi en R&D afin d’apporter des solutions aux fumeurs qui n’arrêtent pas de fumer et ne sont pas dans une démarche de sevrage de la nicotine. Les aider à sortir de la cigarette, c’est leur proposer un choix de produits moins nocifs, tels que le tabac à chauffer ou les cigarettes électroniques, ce que nous faisons avec les HEETS et VEEV. Mais cela ne suffit pas. L’information et le positionnement prix sont des éléments essentiels pour que le fumeur fasse l’effort d’aller vers ces alternatives. En augmentant massivement les taxes sur le tabac à chauffer le gouvernement se prive alors d’un argument de poids pour faire switcher les fumeurs de cigarettes vers un produit scientifiquement prouvé moins nocif : c’est une aberration.
En augmentant les taxes, l’État ne reconnaît donc pas l’approche des produits à nocivité réduite pour stopper ou ralentir la consommation de tabac combustible ?
Le gouvernement veut aligner le prix des tabacs à chauffer sur celui des cigarettes. Or, des études scientifiques convergent toutes dans le même sens, comme celle de l’Institut Pasteur en France, qui concluent que le tabac à chauffer est moins nocif que la cigarette combustible. Un alignement des taxes est une remise en cause de la catégorie tabac à chauffer qui est un meilleur choix pour les fumeurs qui autrement continueraient de fumer, et du coup, les enferment dans la cigarette.
Les hausses de taxes en cigarettes et en tabacs à rouler-tuber vont-elles accentuer les trafics déjà bien installés ?
Selon KPMG qui étudie depuis 16 ans et selon les mêmes méthodes le marché parallèle du tabac en Europe, la part de ce dernier s’élève en France à plus de 35 % en 2021, dont 15,4 % pour la seule contrefaçon. Toujours selon l’étude européenne de ce cabinet, plus de 65 % des cigarettes contrefaites de l’Union européenne sont vendues dans l’Hexagone. Imaginez comment ces chiffres évolueront à partir de mars 2023, après les fortes hausses de taxes et, donc, de prix. Cela va pousser encore plus les 11 millions de fumeurs réguliers vers l’achat de cigarettes illégales vendues entre 3 et 5 € dans la rue ou sur les réseaux sociaux. Les fumeurs vont donc continuer de fumer mais sans que l’État ne perçoive de recettes, tout en détruisant le réseau légal des buralistes. Cependant, ceci est un immense cadeau au profit des revendeurs à la sauvette de tabac, qui pour la plupart vendent également des stupéfiants et qui alimentent les réseaux mafieux internationaux.
Jeanne Pollès, la présidente de Philip Morris France