Tabac

Philip Morris France | « Malgré la hausse de la fiscalité, la politique de réduction du tabagisme est un échec »

24 septembre 2025. La commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, présidée par le député de Fontainebleau (Seine-et-Marne) Frédéric Valletoux, membre du parti Horizons, a auditionné les responsables des quatre principaux fabricants de cigarettes en France, dont Stéphanie Martel, directrice des Affaires externes de Philip Morris France, au sujet de la situation du tabac, de ses alternatives et du marché parallèle. 

Selon Stéphanie Martel, PMF, lors de cette audition : « Tout d’abord, la France est en retard dans sa politique de lutte contre le tabagisme. La dernière fois que Philip Morris a été auditionné, c’était l’année dernière par vos collègues de la commission des Affaires sociales du Sénat dans le cadre de la fiscalité comportementale. L’une des conclusions des sénateurs dans leur rapport a été : “la politique de réduction du tabagisme est un échec avec une prévalence à peu près stable depuis 1960, malgré la hausse de la fiscalité”. Cet échec, pointé par le Sénat, est multiple et, à moins d’être dans le déni, il est actuellement indiscutable.

Sur le plan de la santé, tout d’abord, il y a toujours en France 14 millions de fumeurs. Comme vous le savez, les objectifs affichés des plans antitabac sont donc loin d’être atteints. Sur les 10 à 20 dernières années, beaucoup de pays ont réussi à diviser leur prévalence tabagique par deux, voire par trois ou quatre. Celle de la France ne baisse que très marginalement. Le nombre total de fumeurs a même augmenté. Cette stagnation s’accompagne d’une forte inégalité sociale comme vous le savez également, puisque les populations défavorisées fument jusqu’à deux fois plus que les populations aisées. Par ailleurs, du point de vue de l’ordre public, le bilan est très inquiétant. L’actualité met en avant sans arrêt les narcotrafics. Mais le commerce illicite de cigarettes – plus rentable et moins puni que le trafic de drogues – est lui aussi devenu une réalité dans tous nos territoires. D’après le rapport KPMG, près de la moitié des cigarettes consommées en France sont désormais achetées ailleurs que chez un buraliste et deux tiers de ces achats sont des produits illicites. Sous l’impulsion de Gabriel Attal quand il était ministre du Budget, le gouvernement s’était engagé à fournir rapidement une estimation claire de ce marché parallèle, mais presque quatre ans plus tard, ces données publiques se font encore attendre. Ce qui est sûr, c’est que depuis plusieurs années, les trafics sont dénoncés de toutes parts par les élus, par les commerçants et par les riverains des quartiers qui sont touchés. Ce phénomène criminel a aussi un corollaire budgétaire depuis 2021 malgré des hausses de taxes répétées. Les recettes fiscales du tabac s’érodent inexorablement. En 2024, elles étaient de 13,2 milliards d’euros, soit une baisse de 1,6 milliard d’euros en quatre ans seulement. Certes, on pourrait avancer que le propre de la fiscalité comportementale est de baisser au fil du temps. Mais puisque le nombre de fumeurs reste stable, cette chute des recettes signifie seulement que le revenu des produits du tabac ne va plus dans les poches de l’État, mais dans celles des trafiquants. Rien qu’en 2024, on estime à 9,5 milliards d’euros le manque à gagner pour l’État lié au marché parallèle. Cette perte de recettes se fait sur fond de mésestimation systématique du rendement fiscal des produits du tabac par l’administration. Chaque année, les prévisions de taxes sont totalement fantaisistes pour justifier des hausses de taxes dans le PLFSS. Et on voit chaque année un écart de plusieurs centaines de millions d’euros entre recettes annoncées et recettes perçues et même jusqu’à 800 millions d’euros d’écart en 2024. Si on veut rétablir l’équilibre des comptes sociaux en France, il est temps d’admettre l’échec budgétaire de la mécanique qui est à l’œuvre dans ce domaine, avec une hypertaxation des produits du tabac qui caractérise la France. On parle quand même d’une hausse de 300% depuis l’an 2000. Cette hypertaxation pousse le fumeur à se tourner toujours plus vers les cigarettes illicites, ce qui engendre un effondrement des recettes. Enfin, au niveau des territoires, cette politique est désastreuse du fait de la concurrence des vendeurs à la sauvette. La perte de revenus pour les buralistes ne fait que se creuser avec comme conséquence leur disparition progressive et la mise en péril de 80 000 emplois en 20 ans. C’est un tiers des buralistes qui ont fermé, soit près de 10 000 points de vente. Avec un peu de pragmatisme, on pourrait pourtant imaginer que ces acteurs de proximité jouent un rôle dans la transition tabagique du pays, ce qui de surcroît préserverait le tissu économique local. Alors l’échec et le retard de la France dans sa lutte contre la cigarette sont aujourd’hui criants sans que l’on voie pourtant poindre le moindre signe d’un changement d’approche, ce qui permettrait pourtant d’accélérer l’éradication de la cigarette, car l’enjeu est bien là selon nous, dans l’accélération. Ces dernières années, tous les pays qui sont parvenus à faire baisser rapidement leur nombre de fumeurs ont un point commun. Ils ont fait une place aux nouveaux produits de la nicotine dans leur politique de santé en ajoutant une approche de réduction des risques à l’impératif de sevrage et de prévention qui restent des priorités. La France devrait s’en inspirer, or il n’en est rien, à rebours de cela, au pays des lumières. L’application outrancière en France du principe de précaution conduit à une épidémie d’interdictions, qui étouffe l’innovation, sans bénéfice pour quiconque, ni pour les fumeurs adultes qui sont privés de nouvelles solutions pour arrêter la cigarette, ni pour les mineurs qui continuent d’accéder aux produits après les interdictions. Dans un monde ouvert, éclairé et digitalisé, qui peut encore croire qu’une interdiction décrétée va se révéler protectrice. Huit mois après l’interdiction de la cigarette électronique jetable, les puffs remplissent les poches des adolescents. En réalité, les interdictions se soldent toujours par l’émergence d’un marché clandestin qui reste hors de contrôle et auquel les plus jeunes sont particulièrement exposés. Alors plutôt que de reproduire invariablement les mêmes méthodes, qui conduisent forcément aux mêmes effets, nos pouvoirs publics devraient commencer par évaluer sérieusement le bénéfice risque des nouveaux produits de manière scientifique avec nos agences de santé telle que l’Anses [Agence nationale de sécurité sanitaire, NDLR] – je parle de la vape, du tabac à chauffer et des sachets de nicotine – pour réglementer, commercialiser et fiscaliser de manière différenciée ces produits et pour qu’ils puissent jouer leur rôle.

Il faut lancer rapidement de nouvelles études sur les alternatives à la cigarette pour en estimer le rapport bénéfice risque. Il faut continuer à mettre en place tous les outils nécessaires à prévenir et empêcher la consommation des produits nicotiniques par les mineurs et si le sevrage doit constituer l’objectif à atteindre, il convient d’adopter une approche de réduction des risques pour les fumeurs qui ne pourraient ou ne souhaiteraient pas utiliser les produits nicotiniques traditionnels. »

Stéphanie Martel, directrice des affaires externes de Philip Morris France

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