Les conséquences d'un double discours gouvernemental devraient apparaître le 12 décembre 2023, lorsque le Journal officiel publiera les nouveaux prix du tabac applicables dès le 1er janvier 2024.
En effet, la Première ministre aurait dû tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant d'affirmer avec aplomb, le 3 septembre 2023, qu'il n'y aurait pas de hausses de taxes tabac en 2024... puisque celles-ci étaient prévues dès la fin 2022 dans le cadre de la Loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Si tous les segments sont concernés, les augmentations sont particulièrement fortes sur les tabacs à rouler et à tuber, ainsi que sur les tabacs à chauffer en 2024 et 2025. Il convient de rajouter à cela une hausse de taxes tabac automatique, équivalente à l'inflation, qui est prévue pour l'instant à hauteur de+ 4,3 % en 2023, ainsi que les répercussions possibles sur les prix des prélèvements de 1' éco-organisme Alcome (qui lutte contre la pollution des mégots), qui ont été multipliés par cinq en passant de 12 M€ en 2022 à 61 M€ en 2024 (voir page 25).
Pour financer tout cela, les fournisseurs sont presque unanimes en annonçant: entre + 40 et + 45 centimes sur un paquet de 20 cigarettes (le paquet le plus vendu étant déjà à 11,50 €) ; de même, les 20 cigarillos pourraient grimper d'environ + 40 centimes (le produit le plus vendu étant déjà à 11,60 €) ; sinon, il y aurait entre + 1 € ou + 1,10 € pour 30 g de tabac à rouler ou à tuber (déjà à 15,90 € pour cette blague la plus commercialisée) ; et, enfin, certains envisageraient une augmentation de + 25 centimes sur un sachet de 160 filtres. Autre mauvaise nouvelle : le Conseil d'État a enjoint, le 29 septembre 2023, le gouvernement à s'aligner dans maximum six mois sur la réglementation européenne, en termes de franchises d'achats de tabac à l'étranger (voir page 10). Le relèvement des achats à l'étranger devrait donc bientôt passer de 200 à 800 cigarettes, de 100 à 400 cigarillos, de 50 à 200 cigares et de 250 grammes à 1 kilogramme de tabac à fumer. Pour faire simple, les seuils d'achats transfrontaliers vont ainsi être multipliés par quatre si le gouvernement transpose la directive.
Ces deux nouvelles ne devraient pas arranger la situation déjà compliquée du marché légal du tabac en France (voir page 30), avec un tonnage tabac qui continue sa baisse en 2023: -12,4 % en septembre et -8,2 % sur neuf mois. Rappelons que les volumes avaient baissé de -6, 7 % en 2022, de -6 ,2 % en 2021 et de seulement -0,5 % en 2020 (grâce aux fermetures des frontières en lien avec la pandémie de Covid). De même, le chiffre d'affaires TTC chute de -1,9 % sur les trois premiers trimestres, avec comme corollaire la baisse des revenus des buralistes. Si les fournisseurs et les réseaux subissent toutes ces conséquences, l'État également. La Commission des comptes de la Sécurité sociale a recensé, à la fin de septembre 2023, des Droits de consommation tabac en fortes chutes: -123 M€ en 2021, -948 M€ en 2022 et une prévision de -56 M€ en 2023 (voir page 9).
Pendant ce temps, la prévalence tabagique, elle, « s'est stabilisée depuis 2017 », dixit Santé publique France. Avec des volumes officiels en baisse, mais avec toujours autant de fumeurs, il serait peut-être temps que le gouvernement se pose les bonnes questions sur l'inefficacité de sa stratégie… qui ne parvient pas à faire baisser le nombre de fumeurs, mais qui fait perdre des recettes à tout le monde, sauf aux trafiquants.